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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 06:35

  

Le : 29/04/2014

 

 

Cour de cassation

 

chambre criminelle

 

Audience publique du 22 novembre 2005

 

N° de pourvoi: 04-87451

 

Publié au bulletin

 

Rejet

 

M. Cotte, président

 

M. Beyer., conseiller apporteur

 

M. Mouton., avocat général

 

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin., avocat(s)

 

 

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux novembre deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

 

 

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général MOUTON ;

 

 

Statuant sur le pourvoi formé par :

 

 

- X... Jean-Claude,

 

 

contre l’arrêt de la cour d’appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 15 novembre 2004, qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l’a condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et à 2 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

 

 

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

 

 

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’accord collectif du 26 février 1976, des articles 7 de la Convention européenne, L. 424-4, L. 434-3, L. 431-1-1, L. 482-1, L. 483-2, L. 236-2- 1, L. 236-3, R. 236-8, L. 263-2-2 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

 

 

”aux motifs que, “sur l’élément légal, si la liberté de déplacement des membres des institutions représentatives susvisées est une notion juridiquement consacrée et protégée par le Code du travail, notamment dans les textes de poursuite, l’indemnisation de leurs frais de déplacement est consacrée par une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation ; qu’ainsi, a-t-il été décidé que les frais de déplacement des membres du comité d’entreprise sont à la charge de l’employeur lorsque la réunion est organisée à l’initiative de celui-ci ou, conformément aux dispositions de l’article L. 434- 3 du Code du travail, à la demande de la majorité des membres du comité (Soc.22 mai 2002), ou bien, s’agissant du Comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), que le salarié peut prétendre au remboursement de ses frais de déplacement, même si l’employeur avait mis à sa disposition un véhicule de fonction qu’il n’a pas utilisé, dans l’hypothèse où, compte-tenu de l’heure de la réunion et du temps de trajet, le départ la veille s’imposait (Soc. 5 octobre 1999) ; que de plus, l’article L. 434-11 du Code du travail précise que les conditions de fonctionnement des comités d’entreprise doivent permettre une prise en compte effective des intérêts des salariés exerçant leur activité hors de l’entreprise ou dans des unités dispersées ; qu’il importe de souligner que cette obligation d’indemnisation est indépendante de l’exécution du contrat de travail proprement dite ; que l’employeur doit indemniser les frais de déplacement des représentants du personnel dès lors qu’il s’agit de frais liés à leur fonction représentative, pour des réunions à

 

son initiative, frais qu’il n’auraient pas à supporter en tant que simples salariés ; que peu importe au demeurant le lieu de rattachement -lieu de départ pour le calcul des frais de déplacement- déterminé par la Convention collective ou le contrat, dès lors que le salarié est envoyé en mission par son employeur en dehors du lieu où se tiennent les réunions des délégués du personnel, du comité d’entreprise ou du CHSCT, qu’en tout état de cause, les clauses d’un accord collectif, en l’espèce celui de la métallurgie du 26 février 1976, non étendu au sens de l’article L. 133-8 du Code du travail, ne sauraient prévaloir dans un sens défavorable sur les dispositions d’ordre public susvisées ; que dès lors, au regard d’une organisation administrative centralisée (siège social à Verson où se tiennent les réunions) mise en place depuis le 1er février 1997 par la société Asparo, d’une part, et des domiciles géographiquement dispersés des salariés en fonction de la localisation de leurs chantiers, souvent éloignés dudit siège, d’autre part, la non-indemnisation des frais de déplacement des représentants des institutions susvisées constitue nécessairement une limitation à leur liberté de déplacement ainsi vidée de toute effectivité et donc une entrave au fonctionnement régulier desdites institutions ; qu’en outre, l’absence de tenue régulière des réunions du CHSCT, infraction non contestée par Jean-Claude X..., constitue bien au regard des dispositions légales visées une entrave au fonctionnement régulier de cette institution ; que les éléments légaux sont donc caractérisés ; sur l’élément matériel ; qu’il résulte en substance du procès-verbal n° 0l/047 en date du 24 septembre 2001 signé par le directeur départemental et l’inspecteur du travail les éléments suivants : s’agissant de l’entrave au fonctionnement de la délégation unique, l’examen des tableaux dressés par l’entreprise Asparo et portant sur les années 1999 (23.07, 27.08, 24.09,15.10) et 2000 (17.01, 31.03, 19.05, 22.09, 27.10, et 24.11) met en évidence trois points ; que s’il est exact que des membres de la délégation unique ont participé à des réunions sans percevoir d’indemnité alors qu’ils étaient affectés sur des chantiers éloignés, il n’en demeure pas moins vrai que les délégués participent plus facilement aux réunions lorsqu’ils sont indemnisés ; que le plus souvent les élus, lorsqu’ils ne sont pas indemnisés, ne viennent pas aux réunions ; que même si d’autres facteurs d’absentéisme peuvent interférer, le caractère massif de ces absences ne peut qu’être mis en relation avec l’absence d’indemnisation et les réclamations présentées à plusieurs reprises sur le sujet par la délégation unique ; que l’examen des procès-verbaux de réunions de 1997 et 1998 fait apparaître un taux d’absentéisme aux réunions nettement moins élevé qu’en 1999 et 2000 ; s’agissant de l’entrave au fonctionnement du CHSCT : suivant la même méthodologie, un tableau reprend toutes les réunions du comité une (trimestrielles en principe) de mai 1998 à septembre 2000 ; qu’il fait apparaître que, si lors des réunions des 29 mai et 2 octobre 1998, deux représentants affectés sur le site de Chinon y ont participé sans percevoir aucune indemnisation, lors de la réunion du 25 février 2000, un seul membre était présent et aucun

 

 

lors des réunions des 19 mai et 22 septembre 2000, ces personnes étant à chaque fois affectées à des chantiers éloignés ; que l’effet dissuasif de l’absence d’indemnisation a là aussi conduit progressivement à un arrêt du fonctionnement de l’institution ; que de plus, il a été constaté que les réunions étaient tenues de façon irrégulière ;

 

 

qu’ainsi, entre le 2 octobre 1998 et le 29 novembre 1999, aucune réunion n’a été tenue, soit au moins trois réunions non tenues ; que de même, une seule réunion a été tenue depuis le 22 septembre 2000, en l’espèce le 12 mars 2001 ; que les éléments matériels des délits sont donc constitués sur l’élément intentionnel ;

 

 

que dès lors que les éléments matériels des délits sont établis, l’élément intentionnel se déduit nécessairement du caractère volontaire des agissements du prévenu qui en l’espèce a fait, en sa qualité de président directeur général de l’entreprise Asparo durant la période de prévention, l’objet de multiples mises en garde et rappels à la loi par l’inspection du travail ; que de plus, cette question de l’indemnisation des frais de déplacement revenait de manière récurrente lors des réunions qui se sont tenues ; que Jean-Claude X... ne peut non plus, compte-tenu de ces nombreux avertissements officiels, se prévaloir d’une quelconque erreur de droit née d’incertitudes dans l’interprétation des textes ; que l’élément intentionnel est donc bien caractérisé ; qu’en refusant d’indemniser les représentants du personnel et ceux élus du CHSCT lors des réunions légales, Jean-Claude X... a rendu plus difficile la libre venue de ces élus auxdites réunions, voire les a dissuadés d’y participer, entravant ainsi le bon fonctionnement des institutions précitées ; que les infractions objet des poursuites étant établies en tous leurs éléments constitutifs, Jean-Claude X... en sera déclaré coupable et il sera fait application à son encontre de la loi pénale en tenant compte de la nature des faits commis et des éléments de sa personnalité, son casier judiciaire ne mentionnant aucune condamnation ;

 

 

”alors, d’une part, que nul ne peut être sanctionné pénalement pour un comportement qui n’est pas prévu par la loi en termes suffisamment clairs et précis ; qu’en l’espèce, en l’absence de tout texte mettant à la charge de l’employeur les frais de déplacement exposés par les représentants du personnel et syndicaux pour se rendre aux réunions des instances représentatives, viole l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt qui considère que l’employeur, en ne s’acquittant pas de tels frais, aurait commis un délit d’entrave sans rechercher si les textes répressifs étaient suffisamment explicites quant à une telle obligation ;

 

 

”alors, d’autre part, que ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés la Cour qui, pour entrer en voie de condamnation, reproche à l’employeur de ne pas avoir indemnisé les frais de déplacement exposés par les membres des institutions représentatives du personnel concernées pour se rendre aux réunions de ces dernières, tout en relevant, d’une part, que cette indemnisation n’était prévue par aucun texte mais serait seulement consacrée par une jurisprudence (arrêt, p. 6, alinéa 2), d’autre part, que l’accord collectif relatif aux conditions de déplacement était sujet à interprétation comme l’avaient relevé les premiers juges pour entrer en voie de relaxe (arrêt, p. 6, dernier alinéa), et enfin que le prévenu avait été suivi dans son interprétation de ce texte par certaines juridictions civiles (arrêt, p. 5, alinéa 3), constatations qui excluaient que l’élément intentionnel du délit peut être retenu” ;

 

 

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure, que Jean-Claude X..., président de la société Asparo, spécialisée notamment dans l’assistance en matériel des sites de centrales nucléaires, a omis de convoquer le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et refusé de prendre en charge les frais de déplacement, pour se rendre aux réunions légales, des représentants de la délégation unique du personnel, des membres du comité d’entreprise et du CHSCT ; que, sur ce dernier point, il a été constaté qu’en raison du coût des frais de déplacement demeurant à leur charge, les représentants du personnel travaillant sur des sites éloignés éprouvaient des difficultés pour assister aux réunions habituelles des institutions représentatives du personnel organisées au siège de la société ;

 

 

Attendu que, poursuivi en raison de ces faits des chefs d’entraves, Jean-Claude X... a fait valoir qu’à la suite de la suppression des agences de l’entreprise implantées sur le territoire national, le siège social de la société avait été fixé à Verson (Calvados), et que les frais de déplacement des salariés étaient pris en charge , en application d’un accord collectif, pour les seules missions en dehors du siège social, mais non pour se rendre audit siège qui était le “lieu d’attachement des salariés”, au sens dudit accord ; que le tribunal correctionnel n’a déclaré le prévenu coupable que du premier chef d’entrave ;

 

 

Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement entrepris, sur l’appel du ministère public et de la partie civile, et retenir la culpabilité de Jean-Claude X... pour l’ensemble des faits visés dans l’acte de poursuite, l’arrêt attaqué retient que, du fait de l’éloignement existant entre le siège social de la société et le lieu de travail des salariés concernés, le refus réitéré, malgré les mises en garde de l’inspection du travail, de régler les frais restant à la charge de l’employeur lorsque la réunion des institutions représentatives du personnel est organisée à son initiative, a eu pour effet de restreindre les déplacements de ces salariés et leur participation aux réunions des institutions susvisées ; que les juges en déduisent que se trouvent ainsi caractérisés en tous leurs éléments constitutifs, matériels et intentionnel, les délits d’entrave imputés au prévenu ;

 

 

Attendu qu’en l’état de ces motifs exempts d’insuffisance, et dès lors que les articles L. 482-1, L. 483-1 et L. 263-2-2 du Code du travail ne méconnaissent pas les exigences conventionnelles tenant à la prévisibilité de la loi pénale, la cour d’appel a donné une base légale à sa décision ;

 

 

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

 

 

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

 

 

REJETTE le pourvoi ;

 

 

FIXE à 2 500 euros la somme que Jean-Claude X... devra payer à l’Union départementale des syndicats CGT du Calvados au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

 

 

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

 

 

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

 

 

Greffier de chambre : M. Souchon ;

 

 

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

 

Publication : Bulletin criminel 2005 N° 307 p. 1045

 

 

 

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen , du 15 novembre 2004

 

 

Titrages et résumés : TRAVAIL - Comité d’entreprise - Délit d’entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Elément matériel - Refus par l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement pour se rendre aux réunions organisées à son initiative. Les frais de déplacement des représentants du personnel, membres des institutions représentatives, ne s’imputent pas sur les frais de fonctionnement de ces institutions et restent à la charge de l’employeur lorsqu’ils se rapportent aux réunions organisées à son initiative.

 

Constitue le délit d’entrave au fonctionnement régulier du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le refus de l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement des salariés affectés sur des sites éloignés lorsqu’il les convoque à une réunion au siège social, dès lors qu’un tel refus a pour effet de restreindre les déplacements de ces salariés et d’empêcher ainsi leur participation aux réunions des institutions susvisées.

 

 

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Délit d’entrave - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Elément matériel - Refus par l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement pour se rendre aux réunions organisées à son initiative TRAVAIL - Délégués du personnel - Atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions - Délit d’entrave - Eléments constitutifs - Refus par l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement pour se rendre aux réunions organisées à son initiative

 

 

Précédents jurisprudentiels : A rapprocher : Chambre sociale, 2002-05-22, Bulletin 2002, V, n° 174, p. 173 (rejet), et les arrêts cités. En sens contraire : Chambre criminelle, 1975-05-07, Bulletin criminel 1975, n° 121 (1), p. 331 (cassation).

 

 

Textes appliqués :

·          Code du travail L482-1, L483-1, L263-2-2

 

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