Après la comparaison des EHPAD avec les camps de concentration proférée par Bernard Pradines au cœur de l’été 2012, après les accusations de l'académie de Médecine sur la fin de vie en EHPAD en décembre de la même année, voici que Jean-Marie Delarue demande à contrôler les EHPAD en ce qu'ils seraient des lieux de privation de liberté !
Une nouvelle fois, sans réflexion ni connaissance du sujet, une officine du bien penser prend la pose au mépris des professionnels qui au quotidien dans les dix mille et quelques EHPAD de France tentent de respecter, et de faire respecter, la volonté souvent chancelante de personnes très âgées.
En tant que responsables de la qualité des soins au sein de nos établissements, nous ne pouvons pas rester sans réagir quand la compétence et le dévouement de nos collaborateurs, soignants et aidants, sont ainsi foulés aux pieds.
Nous, médecins coordonnateurs, généralistes ou gériatres, sommes les premiers à savoir, puisque nous examinons ces personnes avant leur entrée, que l’admission dans un EHPAD se fait en situation de non choix. Ce qui enferme ce n’est pas la structure mais la maladie !
En effet personne ne choisit d’être dépendant, vieux, atteint de maladie de la mémoire, incapable de se suffire à soi même, isolé faute de famille, ou dans l’impossibilité d’être hébergé ou aidé par des proches qui ne le désirent pas, ne le peuvent pas, et dont ce n’est pas forcément la vocation.
Nos EHPAD sont, dans l’immense majorité des cas, la moins mauvaise solution possible et les personnels savent le plus souvent y rendre la vie, à défaut de riante, en tous les cas, chaleureuse, humaine et décente.
Les troubles du comportement de bon nombre de ces personnes atteintes de maladie de la mémoire obligent à organiser leurs lieux de vie afin de limiter les accidents. Et notre société savante a élaboré dès 2007, avec les autorités de contrôle, des recommandations de bonne pratique concernant la liberté d’aller et venir en maison de retraite.
Quand les autorités de tarifications et de contrôle, Etat et Conseil Général, dans le cadre des conventions tripartites en EHPAD, refusent le financement d'une présence spécifique soignante 24h/24 et notamment la nuit, dans une unité Alzheimer, quand le décès de résidents fugueurs fait la une des journaux, comment faire appliquer ces recommandations en évitant les dérives sécuritaires ? Si Mr le Contrôleur Général des « Prisons » a des idées, nous sommes preneurs.
Et depuis longtemps ces autorités valident ces situations où l’on fait porter des bracelets GPS, où l’on sécurise les issues par des portes codées, où l’on réduit l’accessibilité des ascenseurs, de la rue, en un mot des lieux dangereux pour des personnes qui se perdent, sont rapidement paniquées et incapables de gérer la situation.
Si l’on devait retirer quelque chose de positif du propos de Monsieur DELARUE, ce serait effectivement que le législateur se penche sur la question, et ne laisse plus planer sur les établissements en charge de ces personnes la double menace d’une inculpation pour séquestration quand ils protègent la vie de ceux qui leurs sont confiés, et de mise en danger de la vie d’autrui quand ils les laissent déambuler.
Qu’on se rappelle les résultats de l’antipsychiatrie qui, en réduisant les places d’accueil pour les personnes malades, a été à l’origine d’une catastrophe sanitaire. Depuis, nos trottoirs, et mêmes nos prisons, « accueillent » nombre de malades psychiatriques graves que cette réforme a transformés en SDF et/ou en délinquants.
Faut-il, au nom d’une pureté éthique irréfléchie, née d’une réaction et non d’une réflexion, que les vieillards aux multiples déficiences, dépendants et fragiles subissent le même sort ?
Si les détracteurs systématiques de nos établissements obtiennent – comme les tenants de l’antipsychiatrie en leur temps - l’adhésion de nos gouvernants, bon courage à eux pour mener cette « courageuse campagne de salubrité ». Mais qu’ils ne comptent pas sur les personnels des futurs ex EHPAD pour les y aider.
Si en revanche la raison l’emporte et que le chœur des pousseurs professionnels de cris d’orfraie se tait, nous serons les premiers, avec tous nos collaborateurs soignants et aidants, à aider les femmes et les hommes de bonne volonté à comprendre ce qu’est un EHPAD, qui sont les personnes qui y vivent, et ce qu’il conviendrait de faire pour améliorer encore et toujours leur situation.
Michel SALOM, président du SNGC; Philippe MARISSAL, président du SNGIE; Bernard ODDOS, président du SMC-CSMF
mis à jour le 18/03/2013