9 février 2013
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D'après la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le projet gouvernemental de "neutralisation" du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) par une baisse des tarifs conduirait 28% des
cliniques "à la faillite" et menacerait 40 000 emplois. Un recours judiciaire est d'ores et déjà à l'étude.
Alors que les cliniques et hôpitaux privés sont éligibles au Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) issu du pacte de compétitivité, "plusieurs acteurs hospitaliers se sont injustement élevés contre un supposé avantage accordé aux établissements de santé privés", dénonce une nouvelle fois la FHP dans un communiqué le 23 janvier (lire notre sujet du 10/01/2013 et du 06/12/2012). Selon la fédération, les cliniques et hôpitaux privés sont menacés de subir "une triple peine" : "un régime fiscal défavorable par rapport à ceux des autres secteurs hospitaliers, une allocation des ressources hospitalières parcimonieuse (l’hospitalisation privée réalise un tiers de l’activité hospitalière mais ne perçoit que 17% des financements affectés à l’hôpital), une pénalisation anticipée des établissements de santé privés dès 2013 en compensation du CICE applicable au mieux à partir de juin 2014".
Les cliniques, "entreprises quand ça arrange" le gouvernement
Le CICE, inscrit dans la Loi de finances rectificative (LFR) pour 2012, s’applique "sans exception à toutes les entreprises", rappelle la FHP, appuyant que cet engagement a "formellement été acté" auprès des instances représentatives de l’accord, dont le Medef et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Pour le secteur de l’hospitalisation privée, il représente pour 2014 "un montant de 133 millions d’euros, déduction faite des charges financières additionnelles imputables au seul secteur hospitalier privé, à savoir 65 millions au titre de l’accord de flexi-sécurité pour l’emploi, 30 millions d’euros au titre d’autres mesures du pacte de compétitivité et 2 millions de taxation des CDD (accord sur l’emploi)", indique la fédération."Nous sommes des entreprises, des entreprises responsables exerçant dans le monde de la santé, nous assumons notre statut, et à ce titre, nous apportons chaque année 600 millions d’euros d’impôts et taxes à la collectivité", souligne Jean-Loup Durousset, président de la FHP. Il relève que l’environnement fiscal des cliniques et hôpitaux privés n’a "rien à voir avec celui des autres acteurs hospitaliers, exonérés d’un grand nombre d’impositions".
Vouloir neutraliser l’effet du CICE par une baisse des tarifs dès 2013 est "particulièrement injuste et dommageable" d'après la FHP. "Les effets du CICE ne doivent impacter les entreprises au mieux qu’en juin 2014, et pour celles qui ne paient pas d’impôts sur les sociétés, qu’en 2014 ou 2015", estime Jean-Loup Durousset. "Comment voulez-vous que les cliniques et hôpitaux privés déjà en situation fragile puissent supporter une pénalisation dès 2013 ? Elles péricliteront", s’alarme le président de la FHP.
Une mesure "contre-productive" et une menace sur 40 000 emplois
Selon la fédération, la conséquence "mécanique" d’une neutralisation anticipée du CICE conduirait à "la mise en faillite" de 28% des établissements de santé privés, menaçant 40 000 emplois. "Les effets en cascade s’étendraient aux économies locales des territoires, et (...) 25% des cliniques et hôpitaux privés se verraient fragilisés", ajoute-t-elle. "La situation est extrêmement tendue dans le secteur [de la Médecine, chirurgie, obstétrique] MCO qui présente un taux de résultat de seulement 0,3% de son chiffre d’affaires", indique Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO. "Avec une baisse des tarifs annoncée, un volume d’activité qui n’évolue que faiblement (+1%), la neutralisation de l’effet CICE fera basculer les comptes d’un plus grand nombre d’établissements dans le rouge", a-t-il prévenu.Du côté des Soins de suite et de réadaptation, un phénomène nouveau se produit, selon Théo Amarantinis, vice-président de la FHP-SSR. "Les cliniques SSR monovalentes et excentrées, qui contribuent activement à la vie de territoires de santé isolés, rencontrent de plus en plus de difficultés", annonce-t-il. "Nous sommes très inquiets pour leur devenir sans une contrepartie équitable à leurs nouvelles missions en tant que charnière de la filière de soins", poursuit-il. En psychiatrie, l’inquiétude est partagée. "Pour assurer leur survie, de plus en plus de cliniques faute de tarification suffisante doivent augmenter le reste à charge des patients. Ce n’est ni satisfaisant, ni suffisant", souligne François Meillier, délégué général de l’Union nationale des cliniques psychiatriques (UNCPSY).
Une contestation judiciaire nationale ou européenne en vue
L’argument avancé par certains acteurs hospitaliers de distorsion de concurrence entre secteurs hospitaliers "n’est pas recevable, sauf à poser la question de l’harmonie fiscale entre secteur public et privé d’une part, et entre secteurs privés d’autres parts", estiment les représentants de la FHP. Ils rappellent que le système d’allocation des ressources de l’hôpital attribue au secteur public "sans contrepartie la quasi-totalité des 2,3 milliards d’euros d’aides à la contractualisation (dont 32 millions pour les cliniques) ou encore la quasi-totalité des 5,6 milliards d’euros (dont 68 millions pour les cliniques) de crédits MIG" (Missions d’intérêt général) ou MERRI (Missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation). "Sans compter la différence de tarifs maintenue entre les secteurs public et privé avec l’arrêt de la convergence tarifaire", ajoute la FHP, estimant qu'elle s’élève à 21,6% au détriment des cliniques et hôpitaux privés. Quant au secteur associatif, "il bénéficie de 70 millions d’euros au titre des MIG en compensation d’un différentiel de charges de 10 millions d’euros d’avantages liés à l’abattement forfaitaire de la taxe sur les salaires et est rémunéré avec les tarifs du secteur public", avance la fédération.En conséquence, la FHP se "réserve la possibilité d’engager une contestation juridique devant toutes les juridictions nationales ou européennes". "Le secteur des cliniques et hôpitaux privés emploie 150 000 personnels soignants et administratifs, il est créateur de 3000 emplois l’an et contribue positivement à la maîtrise des dépenses de santé", rappelle le président de la FHP. "Pourquoi le stigmatiser parmi les acteurs de santé privés éligibles au CICE ? Pourquoi vouloir le pénaliser ? Nous ne l’accepterons pas", avertit Jean-Loup Durousset.
Enfin, la fédération relève que 8 millions de patients choisissent chaque année de se faire prendre en charge dans un établissement de santé privé et que 89% des Français souhaitent avoir le choix entre les secteurs public et privé pour leur hospitalisation. "Pénaliser les cliniques et hôpitaux privés, c’est mettre en danger le système de santé libéral en France, est-ce la volonté des pouvoirs publics ?", s’interroge à nouveau le président de la FHP.