Peut-on licencier pour absence de diplôme un salarié qui exerce une profession réglementée depuis plusieurs années en violation des règles légales
?
La Cour de Cassation a été saisie très récemment de cette question à propos d'une
infirmière.
Les faits étaient très simples :
La salariée a été engagée, à compter du 1er mars 2003, en qualité d'infirmière d'Etat par le groupe Les Doyennés Europe aux
droits duquel vient la société Medica France bien qu'elle n'en avait pas le diplôme.
Le 30 novembre 2007, son employeur la mettait en demeure de lui transmettre son diplôme d'Etat d'infirmière ou une équivalence délivrée par la
Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS).
Bien évidemment, elle n'a pas pu présenter le diplôme qu'elle n'avait jamais eu.
Elle a été licenciée le 16 janvier 2008, au motif de l'impossibilité de continuer de l'employer au sein de l'établissement en
application des textes réglementaires régissant le secteur d'activité.
La Cour de Cassation en sa Chambre Sociale en date du 18 mai 2011 N° de pourvoi: 09-68704refuse un licenciement pour ce motif en rappelant que
"l'employeur, qui avait eu connaissance dès l'origine de ce que la salariée n'était pas titulaire du diplôme ou de l'équivalence requis et qui avait poursuivi les relations
contractuelles pendant cinq ans jusqu'à lui confier des responsabilités de cadre infirmier, ne pouvait valablement invoquer une réglementation à laquelle il avait lui-même
contrevenu.".
Sage décision basée sur une règle de droit civil : "Nemo auditur propriam turpitudinem allegans" (Nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude) .
Décision de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendue le 18/05/2011, rejet.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 juin 2009), que Mme X... a été engagée, à compter du 1er mars 2003, en qualité d'infirmière d'Etat par le groupe
Les Doyennés Europe aux droits duquel vient la société Medica France ; qu'après avoir été, le 30 novembre 2007,mise en demeure par son employeur de lui transmettre
son diplôme d'Etat d'infirmière ou une équivalence délivrée par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), elle a été licenciée le 16
janvier 2008, au motif de l'impossibilité de continuer de l'employer au sein de l'établissement en application des textes réglementaires régissant le secteur d'activité ;
que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à ces demandes, alors, selon le moyen :
1) - Que le licenciement prononcé à raison de l'impossibilité pour le salarié de répondre aux conditions légales exigées pour l'exercice d'une profession réglementée ne présente aucun
caractère disciplinaire mais constitue un licenciement pour trouble objectif ; que le licenciement de Mme X..., expressément prononcé par l'employeur à raison de ce qu'elle n'avait pu,
depuis plusieurs années, justifier du diplôme nécessaire à l'exercice de sa fonction d'infirmière, constituait un licenciement pour trouble objectif et non un licenciement pour faute ;
qu'en déclarant ce licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif inopérant qu'elle n'avait pas commis de faute, la cour d'appel a violé l'article L1232-1 du Code du travail ;
2) - Qu'à supposer que le défaut de production d'un diplôme ait été imputé à faute à Mme X... dans la lettre de licenciement, la rupture n'en était pas moins prononcée également à raison
d'un trouble objectif que constituait pour l'employeur l'impossibilité objective où il se trouvait-reconnue par le juge du fond-d'employer l'intéressée comme infirmière ; qu'en n'examinant
que le prétendu grief disciplinaire, sans examiner le grief non disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L1232-1 et L1232-6 du Code du travail ;
3) - Que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'impossibilité pour l'employeur de maintenir la salariée qui n'a pas le diplôme nécessaire à l'exercice d'une profession
réglementée, telle celle d'infirmière ; qu'ayant relevé que " la situation de Mme Said qui n'avait pas le diplôme d'infirmière ne pouvait être régularisée, l'autorisation d'exercer comme
infirmière n'étant prévue que pour les recrutements dans les établissements hospitaliers publics ou privés ou participant au service public hospitalier " et que "l'employeur n'avait pas eu
d'autre choix que de rompre le contrat de travail en raison de l'impossibilité pour Mme X... d'exercer en qualité d'infirmière pour la société Medica France, aucune équivalence n'étant
permise dans ce type d'établissement ", ce dont il ressort que la cour d'appel a constaté l'impossibilité de maintenir Mme X... à son poste d'infirmière faute d'avoir le diplôme requis par
la réglementation en vigueur au sein d'un EHPAO, et en décidant cependant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L1232-1 du Code du
travail ;
4) - Que la circonstance que l'employeur-dans l'espoir d'une régularisation-n'ait pas immédiatement tiré les conséquences de l'absence du diplôme exigé et ait prononcé le licenciement à
suite d'un rappel à l'ordre de l'administration, n'est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article
L1232-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'employeur, qui avait eu connaissance dès l'origine de ce que la salariée n'était pas titulaire du
diplôme ou de l'équivalence requis et qui avait poursuivi les relations contractuelles pendant cinq ans jusqu'à lui confier des responsabilités de cadre infirmier, ne pouvait valablement
invoquer une réglementation à laquelle il avait lui-même contrevenu ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui s'en est tenue au motif énoncé dans la lettre de
licenciement, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L1235-1 du Code du travail en décidant que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse
; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ;
M. Linden, conseiller faisant fonction de Président