26 novembre 2013
Paris, France - Le 18 novembre dernier, deux géants de la prise en charge des personnes âgées, Korian et Medica, ont annoncé leur fusion. Le secteur se concentre, et fait craindre l'apparition de positions monopolistiques, au détriment de la prise en charge.
Proposer une «offre intégrée»
S'oriente-t-on, dans le secteur des maisons de retraite médicalisées, vers le monopole de quelques groupes privés ? C'est une crainte. Le 18 novembre dernier, les groupes Korian et Medica, deux mastodontes du secteur des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad), annonçaient leur fusion. Cette fusion pourrait devenir effective courant du premier trimestre 2014. L'objectif affiché des deux patrons de Korian et Medica, respectivement Yann Koléou et Jacques Bailet, est, ni plus ni moins, de devenir les leaders européens des services aux séniors. Le nouveau groupe serait ainsi présent en France, Allemagne, Italie et Belgique.
Outre la France, Medica est en effet présent en Belgique et en Italie, tandis que Korian, depuis le 1er mars 2013 et le rachat, à cette date, de Curanum, est leader en Allemagne. Avec cette fusion, 40% du CA serait ainsi réalisé hors de France. A part les maisons de retraite, les deux géants seraient à même de proposer une « offre intégrée », un parcours de santé de la personne âgée, puisque Korian et Medica possèdent aussi des cliniques spécialisées, notamment en soins de suite et de réadaptation (SSR), mais aussi des réseaux intermédiaires et des services de soins à domicile.
Quatre grands opérateurs
Si le groupe fusionné vise un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros, cette opération permettrait également de réaliser des économies d'échelle de l'ordre de 15 millions d'euros en trois ans, grâce aux synergies achat et frais de fonctionnement(la CGT attend avec impatience la définition des synergies d'achat...et les économies sur les frais de fonctionnement.NDLR). Mais, avant que cette fusion n'intervienne, les deux groupes doivent consulter les instances représentatives du personnel(sauf que c'est BFM-Business qui a été choisie pour la primeur de l'information!!!!!!donc à la rigueur on se fout des IRP et des salarié(e)s.NDLR), et obtenir l'autorisation de l'autorité de la concurrence française. Laquelle peut avoir son mot à dire.
Car, dans les faits, le secteur privé lucratif est actuellement trusté par quatre grands opérateurs [1] : DomusVi, Orpea, Korian et Médica. Orpea et DomusVi compte chacun 14000 lits, tandis que Korian en compte 11 100 et Medica 10 100. Après fusion, Korian-Medica deviendrait ainsi n°1 dans le secteur, avec une capacité de 21200 lits environ. Ce nouveau géant représenterait quelque 17% du parc d'Ehpad commerciaux en France.
La concentration du secteur privé n'est pas nouvelle : elle a commencé il y a une dizaine d'années. Ces dernières années ont été marquées par l'acquisition de Mediter par Oropea, de Senior Santé par Korian, du rapprochement de DomusVi et de Dolcea en 2011. Et tout indique que cette concentration devrait se poursuivre. En effet, depuis 2010, la création d'Ehpad est soumise à une procédure d'appel à projets. Or, les appels à projet se font rares, et les grands groupes, pour poursuivre leur croissance, n'ont d'autre choix que de privilégier la croissance externe. Au-delà des frontières françaises, puisque dans l'Hexagone, les cibles de grande taille se raréfient.
Outre Korian et Médica, Orpea a également investi à l'international. Le groupe est actuellement présent en Belgique, Suisse, Espagne et Italie.
DomusVi pour sa part est présent au Québec, et Colisée, à l'instar d'Orpea, a investi le marché chinois. Pour se diversifier, les leaders du secteur empiètent aussi sur le sanitaire. Le groupe DomusVi, surtout dans la région Paca, a développé des filières courtes de prise en charge des personnes âgées (accueil de jour, hébergement temporaire, aide et soins à domicile). Le groupe Orpea, dès les années 2000 s'est, quant à lui, développé dans l'exploitation de cliniques en SSR pour des courts et moyens séjours.
Prise en charge menacée ?
Cette expansion sans fin des groupes privés menace-t-elle la prise en charge des résidents ? Peuvent-ils imposer leur prix de prise en charge et d'hébergement ?
Pas vraiment. Pour une raison principale : le privé lucratif est minoritaire dans le secteur des Ehpad : en 2011, la moitié des places installées et 44,3% des établissements étaient du domaine public. Tandis que le privé associatif représentait 30,7% des structures, et 28% des capacités d'accueil. Le privé lucratif arrive en dernière position, avec 25% du parc des maisons de retraite, et 21,4% des capacités totales d'accueil. Qui plus est, les nouveaux appels à projet pour la création d'Ehpad sont strictement réglementés : les opérateurs qui postulent doivent répondre à un cahier des charges, qui stipule que les tarifs d'hébergements doivent être… raisonnables.
Quoi qu'il en soit, cette évolution capitalistique des groupes d'Ehpad privés peut faire craindre des menaces sur l'emploi, des personnels administratifs, tout comme des soignants(la CGT restera très vigilante sur ce point là et luttera contre toute suppression d'emplois.NDLR).